L’univers contractuel – un abécédaire.
L’univers contractuel – un abécédaire.

L’univers contractuel – un abécédaire.

De manière courante en pratique, on nous demande d’expliciter ce qu’est un bon contrat et des conseils sur « comment » rédiger un contrat standard efficace dans toutes les situations.

Le droit des obligations et des contrats nommés et innommés couvre les articles 1370 à 2643 du Code civil du Québec.  À cette importante nomenclature, s’ajoutent les exigences provenant de lois diverses, telles la Loi sur la protection du consommateur, ainsi que celles appartenant à la planification stratégique, incluant la planification fiscale.

Il n’y a donc pas à proprement parler de contrat unique ou de contrat type qui s’applique à tous les cas, en tenant compte de tous les enjeux propres à une situation donnée.

Un excellent contrat d’entreprise par exemple au niveau commercial, pourrait s’avérer désavantageux au niveau fiscal.

Un contrat donné pourrait être porteur d’obligations excédant largement le cadre normal du Code civil et mettre en place un régime soutenant une position de force indue entre deux co-contractants et dans un tel contexte, la partie se faisant opposer des obligations plus lourdes par l’autre partie pourrait souhaiter voir le contrat mieux balancé.

Le contrat constitue la loi des parties.   Il sera généralement valide, sauf dans la mesure voulant que l’une ou l’autre de ses clauses aille à l’encontre de l’ordre public ou soit considérée par la Loi comme non autorisée.

S’il semble évident qu’une convention appuyant un projet criminel ne saurait valoir en droit civil, il en sera autrement des autres conventions.

Comme vu avant, le droit entourant les questions contractuelles est porteur d’aspects techniques importants, et selon la situation de chaque co-contractant les préoccupations pourront varier.   C’est d’ailleurs pourquoi un contrat se négocie normalement, et dans le cas contraire, il pourra être considéré comme étant un contrat d’adhésion et s’interpréter en faveur de l’adhérant.

La théorie du modèle contractuel – un danger réel.

À l’ère des technologies de l’information, tout se trouve pour qui cherche bien.   Tout ?  En matière de droit contractuel la plus grande des prudences est de mise.   Un contrat modèle ne traitera pas de considérations importantes ou spécifiques à une situation donnée et pourra entraîner de conséquences juridiques ne pouvant être résorbées que par une modification consensuelle du contrat ou par la voie des tribunaux.

Ainsi, un contrat modèle pourrait ne pas tenir compte des particularités fiscales propres à un domaine d’activité donné, et entrainer des implications d’impôt non-anticipées.  Par exemple, une entente de règlement hors Cour peut suivant la rédaction prévoir des indemnités imposables, et non imposables.  Dans quelle mesure la portion non imposable est-elle admise par le milieu fiscal ? La clause modèle est-elle la plus appropriée pour la situation rencontrée en vue du résultat fiscal recherché ?

Les situations problématiques sont plus que nombreuses le moment venu de jauger de l’interaction des domaines que sont le droit des affaires et le droit fiscal.

Ainsi, deux contrats différents pourront viser la relation d’affaires entre un entrepreneur et un client donné, mais le premier pourra viser une protection maximale de l’entrepreneur au niveau commercial ou du client de l’entrepreneur, tout en occasionnant des pertes potentielles en matières fiscales.   Or, dans l’éventualité ou l’un des co-contractant est indifférent des aspects commerciaux, mais préoccupé par les aspects fiscaux, cette même convention sera tout à fait inadéquate.

La signature d’un contrat est toute stratégique, d’autant que, sauf exceptions, la signature effectuée aura pour effet de lier les parties.  Plusieurs courants de pensées s’opposent, dont notamment celui voulant que l’intervention de l’état par le biais de l’obligation d’agir de bonne foi, se justifie alors que certains tribunaux accorderont une grande importance à la stabilité des contrats, et sous réserve de clauses abusives ou incompréhensibles.

L’extrait doctrinal suivant expose toute la complexité des questions et enjeux afférents à la signature d’un contrat:

« 3) Libertés et droits fondamentaux appliqués à la sphère contractuelle

Il est important de rappeler que tout contrat dont l’objet est contraire à l’ordre public politique et moral est frappé de nullité absolue et n’est pas susceptible d’être ratifié par les parties. Il est toutefois possible qu’une partie décide volontairement et clairement de renoncer à un de ses droits fondamentaux en adhérent à un contrat. Dans une telle situation, il ne devrait pas être possible de permettre à un cocontractant de nier un engagement contractuel et de chercher à y contrevenir au nom de la liberté d’expression ou d’une pratique religieuse. Bien que la Cour suprême en ait décidé autrement dans une décision majoritaire, elle a néanmoins formellement énoncé le principe auquel il est possible de volontairement renoncer à un droit fondamental, mais à condition de le faire clairement, précisément et explicitement. En effet, dans cette affaire, même si le contractant a adhéré à une clause lui interdisant de construire une structure quelconque dans sa convention de copropriété, ce qui, par le fait même, l’empêchait de bâtir son installation religieuse, il n’aurait pas renoncé à son droit de liberté de religion de façon volontaire et explicite.

Les motifs de la dissidence de cet arrêt semblent mieux correspondre aux préceptes de notre droit civil et ont même été repris par la suite dans un jugement de la Cour suprême. En effet, la dissidence nous indique que la clause qui porte atteinte à la liberté de religion pour la partie a une raison d’être, non seulement pour établir l’harmonie général de l’immeuble, mais aussi pour l’intérêt de l’ensemble des citoyens de la société qui souhaite le maintien des obligationscontractuelles. Cette clause ne devrait donc pas, dans pareilles circonstances, être déclarée nulle.

Plus tard, la Cour suprême a rappelé l’importance de la stabilité contractuelle en faisant respecter une clause qui avait été négociée entre les parties même si elle restreignait considérablement les droits du plaignant. Elle affirme donc qu’il n’est pas contraire à l’ordre public de limiter ses droits et libertés de façon contractuelle. En fait, pour que l’objet du contrat soit valable, deux formalités doivent être rencontrées,soit la non-prohibition par la loi ni être contraire à l’ordre public. Lorsque toutes ces conditions prévues par la loi sont rencontrées et que l’objet du contrat n’est pas contraire à l’ordre public, il faut respecter la paix sociale par le respect du principe de stabilité contractuelle. À la lumière de cette décision, il ne serait pas possible de solliciter un accommodement raisonnable à une obligation contractuelle librement contractée. Il est pertinent de mentionner qu’avant l’arrivée de la Charte, les tribunaux, en s’appuyant sur les principes, rejoignaient le raisonnement de cet arrêt, c’est-à-dire qu’ils favorisaient l’autonomie et l’équilibre contractuel au détriment des droits et libertés, à condition toutefois que le cocontractant ait donné un consentement volontaire, libre et éclairé.

Somme toute, dans un objectif de respect et de maintien de la stabilité contractuelle, il serait important que les tribunaux soient conscients qu’un cocontractant ne peut utiliser la Charte pour se soustraire à ses obligations contractuelles en la détournant de son but véritable, soit celui de maintenir une paix sociale. Autrement dit, la sécurité contractuelle et la sécurité juridique en général doivent l’emporter sur la simple méconnaissance du droit invoqué par le demandeur pour se libérer de ses obligations dûment contractées. Conclure autrement entraînerait d’importantes conséquences juridiques puisque les individus n’auraient qu’à prétendre la violation d’un droit de la Charte pour se permettre de violer leurs obligations contractuelles. »  (Extrait de Karim, Vincent, Les Obligations, volume 1, 2015, publié par les éditeurs Wilson & Lafleur Inc);

L’auteur des présentes lignes constate que la qualité d’un contrat dépendra de facteurs variables principalement liés à une connaissance pointue du milieu d’expertise visé. Également, une convention tiendra compte de l’intention des parties et se voudra autant que possible équitable.

Couramment, nous constatons des conventions à « sens unique » et une fois signées, pourront jouir d’un traitement légal obligatoire.

La prudence est donc toujours de mise, et l’utilisation de modèles mal adaptés à une situation donnée est de nature à occasionner des ennuis d’une valeur excédant largement les frais liés à la mise en place d’une approche structurée de prévention des risques.

Nous sommes d’avis que nul ne devrait signer un contrat dont il ne comprend pas toutes et chacune de ses clauses.