Les États-Unis constituent-ils toujours un tiers pays sûr ?  Considérations pratiques;
Les États-Unis constituent-ils toujours un tiers pays sûr ?  Considérations pratiques;

Les États-Unis constituent-ils toujours un tiers pays sûr ? Considérations pratiques;

Par Patrick-Claude Caron, avocat.

Nous assistons à une vague d’entrées au Canada par des étrangers séjournant aux États-Unis et inquiétés par les décret sur l’immigration déposés par le président américain Donald Trump.

Un regroupement de professeurs demandent le retrait des États-Unis à titre de tiers pays sûr.

http://www.sympatico.ca/actualites/nouvelles/regions/ottawa-gatineau/les-etats-unis-ne-sont-plus-surs-pour-les-refugies-selon-200-professeurs-de-droit-canadiens-1.2372123

« Ces professeurs des plus grandes facultés de droit au pays soutiennent que les États-Unis ne peuvent plus être considérés comme un pays « sûr » en raison du décret sur l’immigration signé, vendredi, par le président Donald Trump.

Ils signent tous une lettre adressée au ministre de l’Immigration, Ahmed Hussein, lui demandant de suspendre durant trois mois l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui existe entre le Canada et les États-Unis. Cette entente force les réfugiés qui ont d’abord posé le pied chez nos voisins du Sud à y faire leur demande d’asile.

Nous condamnons fermement ces actions et déclarations. Elles évoquent tout ce que le régime international de protection des réfugiés combat : l’intolérance, la xénophobie et l’alarmisme nativiste.

extrait de la lettre adressée au ministre de l’Immigration, Ahmed Hussein

Vingt-cinq des signataires de la lettre proviennent de l’Université d’Ottawa, dont Joao Velloso, spécialiste du droit de l’immigration. Les États-Unis ne correspondent plus à la définition d’un pays « sûr » en vertu de l’entente, selon lui.

« Un pays « sûr », c’est un endroit où un réfugié peut rester sans avoir peur de se faire renvoyer à son pays d’origine », a-t-il expliqué en entrevue à Radio-Canada. »

COMMENTAIRES (Patrick-Claude Caron, avocat);

Les ressortissants étrangers séjournant en sol américain souhaitent avant toute chose que soit évitée l’application de l’entente Canada USA sur les tiers pays sûrs.

C’est pourquoi les passages s’effectuent ailleurs qu’aux postes frontaliers.

Est-il possible de retirer le statut de tiers pays sûr aux États-Unis ?  Quel en serait le coût politique et social ?

D’abord, les conditions de désignation à titre de tiers pays sûr reposent sur les critères suivants:

« La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) exige l’examen continu de tous les pays désignés à titre de tiers pays sûrs, pour veiller à ce que les conditions ayant mené à ladite désignation soient toujours réunies.

Plus précisément, la Loi exige que les pays désignés soient examinés d’après les quatre facteurs suivants :

  • le fait que ces pays sont parties à la Convention sur les réfugiés de 1951 et à la Convention contre la torture de 1984;
  • leurs politique et usages en ce qui touche la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention sur les réfugiés de 1951 et les obligations découlant de la Convention contre la torture de 1984;
  • leurs antécédents en matière de respect des droits de la personne;
  • le fait qu’ils sont ou non parties à un accord avec le Canada concernant le partage de la responsabilité de l’examen des demandes d’asile.

De plus, le gouverneur en conseil peut donner des directives pour clarifier le processus d’examen. Les directives actuelles sont entrées en vigueur en juin 2015. Elles prévoient ce qui suit :

En ce qui concerne les États-Unis :

  • Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration exercera une surveillance constante à l’égard des quatre facteurs décrits ci-dessus et fera rapport au gouverneur en conseil si la situation le justifie.

En ce qui concerne tout autre pays qui pourrait être désigné tiers pays sûr dans l’avenir :

  • Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration examinera continuellement les quatre facteurs décrits ci-dessus et en rendra compte régulièrement au gouverneur en conseil.

Les examens ont lieu à partir de renseignements obtenus de diverses sources, y compris d’organisations des Nations Unies, d’organisations internationales de défense des droits de la personne, de rapports d’organismes gouvernementaux, de documents statistiques, d’annonces de politiques, de recherches scientifiques pertinentes, et de reportages des médias. »

 

Visiblement, le deuxième item soit :

  • leurs politique et usages en ce qui touche la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention sur les réfugiés de 1951 et les obligations découlant de la Convention contre la torture de 1984;

semble poser problème à l’heure des mesures annoncées par le président américain, Donald Trump.

En suspendant le traitement des demandes d’asile pour 120 jours, et le fait que certains pays d’immigration sont clairement ciblés dans le nouveau décret du président Trump le gouvernement américain expose le flanc a une possible remise en question de son statut de tiers pays sûr.

Les principaux changements apportés au décret présidentiel par celui du 6 mars 2017 sont explicités ci-après:

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/l-amerique-selon-trump/20170306.OBS6176/ce-que-contient-le-nouveau-decret-anti-immigration-de-trump.html

Cependant – quel serait le coût social et politique d’introduire une telle mesure sur une base unilatérale serait-elle prisée des États-Unis, partenaire économique de la première heure ?

Considérant l’approche particulière et la gouvernance réactive du président Trump est-il bien avisé d’ainsi faire ?

Quel message serait acheminé au reste du monde en ce qui concerne les États-Unis ?

Quelles sont les solutions ?

Devant l’incertitude actuelle, les revendicateurs poursuivront leurs passages au Canada sans avoir recours aux postes frontaliers, à moins de qualifier pour une exemption déjà prévue à l’entente;

« Les exceptions prévues par l’Entente prennent en considération l’importance de l’unité familiale, l’intérêt supérieur de l’enfant et l’intérêt public.

Il y a quatre types d’exceptions :

  • Exceptions concernant les membres de la famille
  • Exception concernant les mineurs non accompagnés
  • Exceptions concernant les titulaires de documents
  • Exceptions concernant l’intérêt public

Même si un demandeur d’asile est visé par l’une des exceptions, tous les autres critères de recevabilité prévus dans la législation canadienne en matière d’immigration s’appliquent. Par exemple, si un demandeur d’asile a été interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour grande criminalité, sa demande sera jugée irrecevable. »

Ainsi, il serait étonnant de voir les autorités canadiennes agir de manière hostile aux États-Unis en retirant le statut de tiers pays sûr aux États-Unis, même temporairement.

La question et les enjeux sont des plus délicats pour toutes les parties prenantes.

La prévention demeure l’une des meilleurs solutions, toute personne désirant tenter sa chance au Canada devrait s’informer, valider de sa situation, mais autrement, la seule avenue qui permette d’éviter un renvoi quasi automatique aux États-Unis, sera pour les revendicateurs de « contourner » les postes frontaliers canadiens.

Il ne s’agit certes pas d’une recommandation, mais d’un constat, complication additionnelle des politiques instaurées par les États-Unis sous le régime présidentiel Trump.