Fiscalité: Entrepreneur ou employé déguisé ? (Par Patrick-Claude Caron, avocat, M.Fisc);

Fiscalité: Entrepreneur ou employé déguisé ? (Par Patrick-Claude Caron, avocat, M.Fisc);

Par Patrick-Claude Caron, avocat, M.Fisc.

Vous opérez votre société (compagnie) paisiblement, jusqu’au jour ou vous recevez l’annonce d’une vérification fiscale.

Après avoir questionné l’agent, il appert que l’enjeu soit de savoir si vous opérez une réelle entreprise, ou si au contraire vous êtes un employé déguisé.

On vous apprend alors qu’en cas de requalification de votre statut fiscal par le fisc, les dépenses engagées par la compagnie seront refusées (sauf votre salaire), et qu’un taux d’imposition combiné fédéral  / provincial s’élevant à 39,9 % s’appliquera à vous au lieu du taux général d’imposition des société nettement plus avantageux.

Il s’agit ici d’une question épineuse relevant du cas par cas.

Certaines balises permettent de guider le contribuable dans les dédales de la détermination de leur statut fiscal.  Par exemple, selon Revenu Québec, les critères retenus sont les suivants:

CRITÈRES UTILISÉS POUR DÉTERMINER LE STATUT D’UN TRAVAILLEUR

Pour déterminer si vous êtes considéré comme un travailleur autonome ou comme un salarié, nous évaluons le degré de subordination existant entre vous et votre client ou votre employeur.

Travailleur autonome

Vous êtes considéré comme un travailleur autonome si vous avez le libre choix des moyens d’exécution d’un contrat et qu’il n’y a aucun lien de subordination entre vous et votre client.

Salarié

Vous êtes considéré comme un salarié si, dans un contrat écrit ou verbal, vous vous engagez à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’un employeur pour un temps limité et moyennant rémunération.

Critères

Six critères permettent de déterminer votre statut de travailleur :

  • la subordination effective dans le travail;

  • le critère économique ou financier;

  • la propriété des outils;

  • l’intégration des travaux effectués;

  • le résultat particulier du travail;

  • l’attitude des parties quant à leur relation d’affaires.

 

Au niveau fédéral, les critères s’aménagement quelque peu différemment.

Établir le statut d’emploi d’un travailleur dans la province de Québec

Lorsque nous devons établir si une personne est un employé ou un travailleur indépendant dans la province de Québec, nous analysons la relation qui existe entre le travailleur et le payeur au moyen d’un processus en trois étapes.

Étape 1

Nous posons des questions au travailleur et au payeur afin de connaître leur intention lorsqu’ils se sont entendus sur les conditions de travail. Est‑ce que les parties avaient l’intention de conclure un contrat de travail (relation employeur‑employé) ou un contrat de services (relation d’affaires)?

Nous devons savoir de quelle façon les parties définissent leur relation de travail et pourquoi elles la définissent ainsi.

Parfois, cette intention est claire et les deux parties s’entendent (intention commune). Cette intention peut aussi se retrouver dans une entente écrite. Il peut aussi arriver que les deux parties aient une compréhension différente quant au statut de leur relation d’emploi. Dans ce dernier cas, il n’y a pas d’intention commune.

Les travailleurs et payeurs sont libres d’établir leurs affaires comme ils le souhaitent. Toutefois, il est important que le statut qu’ils ont choisi corresponde aux conditions réelles de la relation de travail.

Pour établir l’intention des parties, nous recueillons le témoignage des parties ou une copie du contrat écrit et nous examinons leur comportement. L’intention des parties fait partie du contexte de l’emploi à analyser.

Étape 2

Nous cherchons à savoir si l’emploi est conforme à la définition du contrat de travail ou à celle d’un contrat d’entreprise (contrat de services) contenue dans le Code civil du Québec en considérant les éléments suivants :

  • exécution du travail;
  • rémunération;
  • lien de subordination.

Il est important de recueillir les faits et d’analyser chacun d’eux en tenant compte du contexte particulier de l’emploi, et de l’intention des parties.

Étape 3

Nous comparons l’intention des parties concernées à leur véritable relation de travail. Nous déciderons si les conditions de la relation de travail représentent le statut que les parties ont choisi et si elles sont conformes aux définitions du Code civil du Québec.

 

Comment s’y retrouver ?

Essentiellement, il sera nécessaire d’analyser la conduite des parties en lien avec la situation litigieuse.

Voici quelques aspects importants devant être considérés.  Bien entendu, notre présentation ne pourrait couvrir toutes les situations possibles, mais ne vise qu’à exposer certaines questions pratiques en lien avec la problématique rencontrée;

  • Le contrat entre le contribuable et le bénéficiaire de services ou client est-il écrit ?
  • Quelles en sont les clauses principales ?
  • Le contrat comporte t’il des indices de subordination – évoquant une situation analogue à un emploi ?
  • La relation des parties était-elle à l’enseigne de l’autonomie ou du contrôle serré de chaque action de la personne ou du représentant de la personne fournissant le service ?
  • Sommes nous en présence d’une relation prévoyant des conditions de travail (congé payés, plan d’aide, etc);
  • De quelle manière le contribuable exploite t’il son entreprise ?
  • Comment le contribuable assure t’il le développement de sa clientèle ?
  • Quelle est la présence commerciale du contribuable (pignon sur rue, employés, développement de la clientèle, cartes d’affaires, ligne téléphonique désignée, papeterie, participation à des événements, publicité, site web, etc);

De grands nombres de questions doivent être soulevées afin d’évaluer le degré de risque d’une situation donnée.

Nous verrons dans un prochain article les conséquences fiscales liés à la qualification de votre entreprise comme étant « une entreprise de prestation de services personnels. »;

Pour le moment, contentons nous d’indiquer que la quasi totalité des dépenses engagées seront refusées par le fisc (sauf le salaire de l’opérateur de la société), et le taux global d’imposition des sociétés (compagnies) passera à 39,9 % (fédéral et Québec combiné);

La prudence est de mise.

En cas de doute, la prévention demeure la meilleure approche à préconiser.

 

Patrick-Claude Caron, avocat, M.Fisc.